Pour quelques billets de plus
C'est une fin de semaine comme les autres. Il y a beaucoup de monde ce midi. Il faut travailler vite pour éviter d'allonger l'attente en caisse, toujours trop longue quand il y a foule. Pas
le temps de s'attarder avec qui que ce soit. À peine le temps de reprendre son souffle entre deux "bonjour". Le SBAM se réduit comme peau de chagrin tellement la pression ambiante oblige à
accélérer toujours un peu plus la cadence.
Tous les postes en contact direct avec la clientèle subissent le même état : caisse, accueil, SAV, billetterie, station service... C'est le coup de feu de la fin de semaine.
À la billetterie justement.
Il y a depuis ce matin un peu plus d'affluence que d'habitude. La cause ? La mise en vente de places supplémentaires pour un très gros concert au Stade de France. D'ailleurs, la plupart des personnes attendent pour acheter des billets pour cette manifestation. Autant dire que les places restantes diminuent très vite et qu'à chaque instant, la vente peut être clôturée. Les gens sont forcément très impatients...
Puis arrive une demande différente, un client souhaite des places pour une rencontre sportive. Il sait exactement ce qu'il veut et les billets sont vite imprimés. Alors qu'il s'apprête à sortir son portefeuille pour payer, il stoppe son geste et semble réfléchir. L'employée le regarde, vaguement inquiète. Le client lui fait signe, il veut passer un coup de fil. Il sort son téléphone portable de sa poche et compose un numéro. 30 secondes passent, elles s'égrainent comme autant d'instants d'éternités pour l'employée (le stress monte). D'autres personnes attendent leur tour et la patience n'est pas de mise aujourd'hui.
Le client raccroche et annonce une sentence lourde de conséquences (que ce dernier ne soupçonne pas et ne peut d'ailleurs pas imaginer).
- Tout compte fait, je ne prends pas les places. Ma femme les a déjà achetées ce matin. Au revoir.
Il ne laisse pas le temps à la jeune femme de répondre et file vers la sortie passant près du panneau : « les billets ne sont ni repris, ni échangés », sans doute a-t-il pensé à ce moment là qu'il avait bien fait de ne pas les acheter.
La caissière est restée interdite, les billets dans ses mains. Son visage s'est décomposé en quelques secondes. Elle n'a pas eu le temps de répondre quoi que ce soit, de faire un seul geste au client. Il est déjà parti et de toute façon, qu'aurait-elle pu lui dire ?
Elle a trois places dans ses mains, trois places vendues pour la billeterie mais non encore encaissées.
Trois places invendues. C'est la seule chose à laquelle elle pense.
Elle appelle sa collègue à la rescousse et lui explique la situation en quelques mots.
Cette dernière lui dit :
- Appelle le chef et vois avec lui comment faire.
Car ce que le client ne sait pas et ne pouvait pas savoir, c'est que lorsqu'une place de spectacle est imprimée, elle ne peut généralement pas être annulée (c'est encore plus vrai pour certains concerts, visites particulières ou rencontres sportives).
La caissière s'affole et d'une voix blanche répond :
- Non, non. Il va encore me passer un savon.
- T'as pas le choix. Tu sais bien que c'est avec lui qu'il faut voir pour les annulations.
- Je sais. Mais je ne supporte plus qu'il m'engueule. Même si je n'y suis pour rien, je sais qu'il va encore me mettre la pression.
- Qu'est-ce que tu veux faire alors ? Laisse moi voir les billets. Zut, ça a lieu demain, tu as bien peu de chance de les vendre d'ici là.
- Je sais bien (elle réfléchit à toute vitesse). Je vais les acheter. Je file chercher de l'argent et tu m'encaisses. OK ?
Complètement paniquée, elle demande sa pause et file chercher son chéquier. Elle revient quelques minutes plus tard en courant et paie ses places. Soulagée sur l'instant car elle a évité une explication douloureuse avec son responsable, comment résorbera-t-elle cette dépense imprévue de près de 150€ dans le budget familial ?
Tout tenter plutôt que de devoir affronter le responsable.
Tout essayer plutôt que de devoir subir des réflexions injustifiées.
Tout risquer plutôt que de devoir expliquer une erreur dont elle n'est pas la cause.
Dans un pays où l'on prône l'égalité, la dictature d'un petit chef remet parfois en question toute notre institution...
Note : Ceci n'est pas un cas général mais une tranche de vie rencontrée un jour de courses ordinaire. Ne faisons donc pas d'un cas particulier une généralité.
Tous les postes en contact direct avec la clientèle subissent le même état : caisse, accueil, SAV, billetterie, station service... C'est le coup de feu de la fin de semaine.
À la billetterie justement.
Il y a depuis ce matin un peu plus d'affluence que d'habitude. La cause ? La mise en vente de places supplémentaires pour un très gros concert au Stade de France. D'ailleurs, la plupart des personnes attendent pour acheter des billets pour cette manifestation. Autant dire que les places restantes diminuent très vite et qu'à chaque instant, la vente peut être clôturée. Les gens sont forcément très impatients...
Puis arrive une demande différente, un client souhaite des places pour une rencontre sportive. Il sait exactement ce qu'il veut et les billets sont vite imprimés. Alors qu'il s'apprête à sortir son portefeuille pour payer, il stoppe son geste et semble réfléchir. L'employée le regarde, vaguement inquiète. Le client lui fait signe, il veut passer un coup de fil. Il sort son téléphone portable de sa poche et compose un numéro. 30 secondes passent, elles s'égrainent comme autant d'instants d'éternités pour l'employée (le stress monte). D'autres personnes attendent leur tour et la patience n'est pas de mise aujourd'hui.
Le client raccroche et annonce une sentence lourde de conséquences (que ce dernier ne soupçonne pas et ne peut d'ailleurs pas imaginer).
- Tout compte fait, je ne prends pas les places. Ma femme les a déjà achetées ce matin. Au revoir.
Il ne laisse pas le temps à la jeune femme de répondre et file vers la sortie passant près du panneau : « les billets ne sont ni repris, ni échangés », sans doute a-t-il pensé à ce moment là qu'il avait bien fait de ne pas les acheter.
La caissière est restée interdite, les billets dans ses mains. Son visage s'est décomposé en quelques secondes. Elle n'a pas eu le temps de répondre quoi que ce soit, de faire un seul geste au client. Il est déjà parti et de toute façon, qu'aurait-elle pu lui dire ?
Elle a trois places dans ses mains, trois places vendues pour la billeterie mais non encore encaissées.
Trois places invendues. C'est la seule chose à laquelle elle pense.
Elle appelle sa collègue à la rescousse et lui explique la situation en quelques mots.
Cette dernière lui dit :
- Appelle le chef et vois avec lui comment faire.
Car ce que le client ne sait pas et ne pouvait pas savoir, c'est que lorsqu'une place de spectacle est imprimée, elle ne peut généralement pas être annulée (c'est encore plus vrai pour certains concerts, visites particulières ou rencontres sportives).
La caissière s'affole et d'une voix blanche répond :
- Non, non. Il va encore me passer un savon.
- T'as pas le choix. Tu sais bien que c'est avec lui qu'il faut voir pour les annulations.
- Je sais. Mais je ne supporte plus qu'il m'engueule. Même si je n'y suis pour rien, je sais qu'il va encore me mettre la pression.
- Qu'est-ce que tu veux faire alors ? Laisse moi voir les billets. Zut, ça a lieu demain, tu as bien peu de chance de les vendre d'ici là.
- Je sais bien (elle réfléchit à toute vitesse). Je vais les acheter. Je file chercher de l'argent et tu m'encaisses. OK ?
Complètement paniquée, elle demande sa pause et file chercher son chéquier. Elle revient quelques minutes plus tard en courant et paie ses places. Soulagée sur l'instant car elle a évité une explication douloureuse avec son responsable, comment résorbera-t-elle cette dépense imprévue de près de 150€ dans le budget familial ?
Tout tenter plutôt que de devoir affronter le responsable.
Tout essayer plutôt que de devoir subir des réflexions injustifiées.
Tout risquer plutôt que de devoir expliquer une erreur dont elle n'est pas la cause.
Dans un pays où l'on prône l'égalité, la dictature d'un petit chef remet parfois en question toute notre institution...
Note : Ceci n'est pas un cas général mais une tranche de vie rencontrée un jour de courses ordinaire. Ne faisons donc pas d'un cas particulier une généralité.
Commenter cet article
B
L
L
L
G