Le grand rush de Noël (2)

Les gens se pressent.
Les caddies sont pleins.
Toutes les caisses sont ouvertes.
Un amalgame de denrées et de cadeaux s'étalent sur les tapis de caisse. Les clients semblent souvent soucieux. Leurs regards restent fixés sur leurs courses.
C'est le grand rush de Noël !
Les « bonjour » sont discrets, les sourires à peine esquisés.
L'esprit de Noël est bien peu présent cette année. À croire que cette fête est devenue une véritable corvée et contrairement aux années précédentes, tout cela est vu comme un passage obligé où la joie de se retrouver aurait laissé place à une sorte d'obligation familiale ou de dépenses forcées. Le montant des courses est élevé, les tickets de caisse à trois chiffres sont nombreux.
Si l'alimentaire est évidemment très présent (c'est le 24 aujourd'hui, jour de fête), les achats pour les cadeaux sont extrêmement nombreux. Comme si tout le monde ou presque avait attendu la dernière minute pour prendre les présents. Pourtant les années précédentes, on constatait que les cadeaux étaient prévus à l'avance, réfléchis et choisis avec soin. Cette année, il y a eu comme une rupture. Cela se ressent tout particulièrement en caisse : plus d'agressivité, plus de stress, plus d'empressement.
Déjà, certains clients s'offusquent lorsqu'ils apprennent que le magasin ne sera pas ouvert le 25 (même pas le matin ? demandent certains). Comble de désespoir, ce soir, la grande surface ferme même deux heures plus tôt que d'habitude. Tout simplement inadmissible pour ceux qui sont arrivés trop tard pour faire leurs courses...
18h50
Les grilles sont baissées de moitié afin que les clients (encore très nombreux) dans les rayons se dirigent vers la sortie.
18h55, un agent de sécurité refuse l'accès à la surface de vente aux retardataires. Certains clients s'agacent ! Pour apporter un impact visuel à cet « interdit » de dernière minute, des cordons ont été tendus à l'entrée du magasin entre les portiques anti-vol. Qu'importe ! Une cliente, plus maligne que les autres, passe dessous et file dans les rayons.
- J'ai travaillé, moi ! lance-t-elle par-dessus son épaule.
...
Tiens, les employés de la grande surface ont certainement passé la journée à se tourner les pouces dans les réserves.
Ce soir, je suis en caisse à l'espace culturel du magasin. Pour inciter les clients à sortir du magasin, les grilles sont, ici aussi, baissées de moitié une dizaine de minutes avant la fermeture. Cela ne semble pas intriguer les gens outre mesure. Un seul mot d'ordre compte « Vite, les cadeaux ne sont pas achetés ! Il ne faut pas arriver les mains vides. »
Les bruits de pas sont précipités. Les mains des gens survolent les rayons, prennent la première chose qui leur passe sous les doigts. Même geste plusieurs fois d'affilée jusqu'à obtenir un « truc » pour chaque personne qui doit avoir un cadeau.
La file d'attente est longue pour passer en caisse. Les clients sont souvent chargés !
Et lorsque par malheur, il n'y a plus un livre, un jeu vidéo ou un DVD qu'ils voulaient absolument, le scandale n'est pas loin.
- Rupture de stock ? Je ne veux pas le savoir ! J'en ai besoin !
Achats compulsifs, souvent irréfléchis. On me demande presque tout le temps en caisse :
- Si ça ne convient pas, je peux rapporter l'article ?
Question anodine mais pourtant lourde de sens. On achète, on réfléchira après.
Autre grand moment de stress à l'heure de la fermeture, qui va emballer ces paquets destinés à être offerts dans ½ h ?
- Vous faites les paquets cadeaux ? Non ? Mais, je fais comment moi ?
Heureusement, on offre des pochettes cadeaux. Invention très pratique qui ne demande aucune compétence ès emballage... mais pour certains, c'est tout de même de trop.
- Vous ne faites pas mes paquets? s'offusquent-ils.
Il est 19h, il y a une dizaine d'articles à emballer et encore de nombreux clients derrière.
Surtout, rester calme, et expliquer gentiment au client que non, on ne fait pas les paquets mais que l'on donne des pochettes cadeaux et qu'il est très facile de glisser l'article dedans et d'ajouter un petit morceau de ruban adhésif.
Le client, comprenant que de toute façon, nous ne ferions pas ses paquets, grogne un peu pour le plaisir...
- Z'avez pas une autre couleur ? Elles sont moches celles-là !
Le centre culturel va enfin fermer, les lumières ont été éteintes. Il ne reste plus qu'un faible éclairage en caisse. Qu'importe ! Certains clients restent dans les rayons et tentent d'apercevoir dans la pénombre les livres et autres convoitises recherchés. La chasse aux cadeaux n'est pas encore terminée !
Tant bien que mal, on parvient à faire venir les derniers clients en caisse. L'ultime est passé. Les grilles se ferment. Soupir de contentement général, la journée a été rude, les clients se sont suivis à une vitesse effrénée.
Et soudain, on entend derrière les grilles closes :
- Laissez-moi entrer ! Il faut que j'achète un livre.
- C'est fermé madame, lui répond un vendeur.
- Quoiii ? Mais, c'est pas possible, je peux pas arriver au repas les mains vides ce soir !
- C'est fermé madame.
Ah, si seulement les magasins ne fermaient jamais...
Heureusement qu'à côté de cette grande débandade, des clients venus faire leurs achats aujourd'hui avaient le sourire et nous souhaitaient un joyeux Noël, ces petites rencontres permettent de mieux affronter les gens maussades.
L'esprit de Noël est plus faible que jamais, il en reste encore une parcelle. Et nous, on a une seule hâte : rentrer chez nous pour retrouver nos familles et passer une soirée festive.
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prochaine anecdote : conversation téléphonique vitale
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